Une passe, un passage, un renouveau
- Le 28/12/2024
Une passe, un passage, un renouveau
« Ce que Freud a découvert en convertissant d’obstacles en instruments la résistance et le transfert. L’accent mis aujourd’hui sur le rôle technique de l’analyste et le contre-transfert accuse encore mieux la nature de l’analyse comme processus d’interaction et de communication. Dès lors, ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement l’intelligence et le savoir du psychanalyste, c’est sa personne. » Dans « La psychanalyse » par Daniel Lagache
Quelque chose bouillonne en moi. Un je-ne-sais-quoi. Il me tiraille entre ce que j’étais et ce que je deviens. Dans mon corps, de doux leurres se font présents. Mes cellules s’entrechoquent les unes contre les autres. Certaines doivent mourir, d’autres doivent murir et encore d’autres doivent naitre.
En écrivant ces mots, les larmes sont présentes. Non des larmes de tristesses et de peurs. Des larmes qui me parlent de ma fragilité, mais aussi de mon courage. De mes résistances et de mes acceptations.
Jusqu’à la dernière minute, j’étais dans une certitude de ne pas répondre à la demande, mais quelle demande ? Et en même temps, si fière d’être là, présente. De parler de ce thème choisi en conscience : L’engagement du psychanalyste dans l’accompagnement des résistances des analysants.
Un thème qui parlait de mes lacunes et de mes forces, un thème qui m’a permis de me regarder avec authenticité, exigences et douceurs.
« Il est nécessaire que l’apprenti psychanalyste fasse lui-même l’expérience d’une analyse prolongée et approfondie, menée selon l’esprit et la technique de la cure type. Seule une analyse personnelle peut libérer le jugement des méconnaissances et des distorsions que lui imposeraient des conflits inconscients non reconnus et non résolus. Seule, elle peut permettre au psychanalyste de ne pas laisser ses motivations personnelles, avant tout son amour-propre, interférer avec ses interventions psychanalytiques. Même longue et approfondie, l’analyse didactique ne dispense pas le praticien de revenir souvent sur lui-même. La reprise périodique de l’analyse personnelle, recommandée par Freud et trop rarement pratiquée, serait d’autant plus féconde qu’après quelques années de pratique l’analyste en ressent mieux le besoin et la portée. » Par Daniel Lagache
Quelle professionnelle j’étais ? Quelle professionnelle je deviens ?
Une certitude, une volonté d’être juste envers les personnes que je nomme analysant.
Un devoir, me regarder fonctionner avec mes propres résistances. Non pas les combattre. Tout simplement œuvrer avec elles. Pas toujours facile de s’entendre, de se comprendre, mais si beau quand l’ouverture s’exprime.
Je suis là, devant mes pairs. Je les vois tels qu’ils sont. Je n’ai pas peur. Je sais que mon inconscient dit beaucoup de choses que je n’entends pas. J’ai l’impression de réciter une leçon. Pourtant je ne fais que nommer cette expérience que j’ai vécue durant la préparation de cette passe. Durant ma cure.
« Il y a autant de passes que d’interprétations de passe par le passant et, en même temps que celui-ci interprète la passe, il interprète beaucoup d’autres choses aussi : il interprète le concept de l’inconscient pour lui, le concept de désir, le concept de fantasme… C’est cela qui, précisément, donne une indication sur le désir de l’analyste. » https://www.causefreudienne.org/textes-fondamentaux/est-ce-passe/
Les questions sont posées. Les réponses ne semblent pas être les bonnes. Oui mon symptôme est là. Je le nomme. C’est si difficile de parler de soi. Peur d’être autocentrée, de me perdre à nouveau ? Non, je suis là, j’essaye de répondre. Je ne cherche pas à convaincre. J’écoute ce qui m’est dit. Ces fantômes qui errent autour de moi, ces traumatismes si enfouis profondément auxquels je résiste.
Je reconnais toutes ces explorations à poursuivre, et surtout je regarde ce parcours réalisé et ces dépassements qui justifient que je sois là.
Le temps passe. L’aiguille de l’horloge semble ne plus vouloir avancer. La fatigue est là. Vivement que tout cela cesse, je me sens vidée.
Ding dong ! la sonnerie de la fin arrive. Ouf ! J’entends de belles choses. J’ai du mal à croire que l’on parle de moi. Et pourtant !
« En tout cas, le mirage de la vérité a un terme, celui de l’inconscient réel qui se voit, s’apprécie à la satisfaction qui marque la fin de l’analyse. Il n’y a pas de façon plus sobre, plus délicate, de le dire. Il y a fin de l’analyse quand il y a satisfaction. Cela suppose sans doute une transformation du symptôme qui, d’inconfort, de douleur, délivre la satisfaction qui, depuis toujours, l’habitait, l’animait. Le critère est de savoir y faire avec son symptôme pour en tirer de la satisfaction. » https://www.causefreudienne.org/textes-fondamentaux/est-ce-passe/
Et puis la première phrase qui sonne cette fin « En tant que psychanalyste; je valide ta passe »
Je suis comme sidérée. Je ne l’avais pas envisagé celle-là. C’est à moi que l’on parle ? Les larmes sont là. J’entends sans entendre. L’inconnue, cette inconnue que j’ai accepté d’accueillir dès ma décision de me présenter. Cette inconnue est là. Elle vient de chanter. Les émotions sont encore là, très présentes. Et là ! je ne les retiens pas.
« Le but de la psychanalyse est, selon Freud, de rendre l’inconscient conscient, de pouvoir aimer et de travailler. On peut dire aussi de conquérir un plus grand degré de liberté par rapport aux déterminismes inconscients dans les relations avec soi-même et avec les autres. Et, par le processus de subjectivation, d’accroître la connaissance de soi en vérité, et les moyens de réalisation de soi, de sublimation et de créativité.( https://www.spp.asso.fr/la-psychanalyse/une-definition-de-la-psychanalyse/) »
Désormais, je suis reconnue comme psychanalyste. Je suis au début d’une nouvelle expérience, d’un nouveau parcours qui me demande de me reconnaitre et d’accueillir ma singularité. Pour cela, sortir de ce paradoxe : avoir recherché, à travers une suradaptation, la reconnaissance des autres, et aujourd’hui accepter de recevoir cette reconnaissance dans l’acceptation de soi.
Chose exceptionnelle, aujourd’hui je perçois mes emprisonnements passés. Que cette lucidité devienne ma force pour devenir cet électron libre si désiré.
Isabelle THÉROND
Psychanalyste
Le 27/12/2024